CONSERVATEURS (Grande-Bretagne)

CONSERVATEURS (Grande-Bretagne)
CONSERVATEURS (Grande-Bretagne)

CONSERVATEURS, Grande-Bretagne

L’un des grands partis politiques britanniques, dont le nom apparaît vers 1836 pour succéder au traditionnel terme «tory». Dès la naissance du parti, Robert Peel lui fixe l’objectif d’associer classes moyennes et supérieures et de favoriser les évolutions qui ne compromettraient pas les fondements de l’ordre et de la vie nationale. Constamment attentif à l’importance des problèmes sociaux et sollicité en cela par certains de ses membres, dont Benjamin Disraeli, le parti surmonte la crise libre-échangiste et, à partir de 1866, se réorganise autour de Disraeli. À l’attachement pour la Couronne, l’Église anglicane, la grandeur extérieure de l’Empire, s’ajoute le souci majeur de réaliser une grande alliance entre la monarchie et le peuple sous l’égide des «élites naturelles»: les conservateurs se font, en 1867, les hérauts de la réforme électorale et parlementaire et les apôtres d’un réformisme social; en 1872, Disraeli exalte l’idée impériale et annonce l’évangile nouveau de l’expansion coloniale. Les mêmes années voient naître l’Union nationale conservatrice (1867) et se développer une puissante machine électorale fondée sur des comités locaux dans chaque circonscription: Randolph Churchill plaidera pourtant en vain, dans les années quatre-vingt, en faveur d’une véritable démocratie de parti et devra constater la survivance d’une direction oligarchique. Partisan de toutes les adaptations dans certaines limites, le mouvement conservateur réussit à sauvegarder son rôle au moment même où la réforme de 1884-1885 a accentué le caractère démocratique du régime; dans les classes moyennes et populaires, son patriotisme, ses liens avec une Église établie qui le soutient ouvertement, ses préoccupations sociales lui valent des ralliements fidèles; des organisations annexes, comme la Primrose League impérialiste, l’aident à tirer profit de l’impérialisme des masses. De 1886 à 1905, il est le plus souvent au pouvoir, bénéficiant de la crise du Parti libéral et de l’alliance avec la fraction unioniste de ce parti; ce dernier, avec Joseph Chamberlain, a fait sécession et défend alors l’unité de la Grande-Bretagne et de l’Irlande. Lord Salisbury puis Arthur Balfour dirigent le parti et les gouvernements conservateurs de cette période. Les premières années du XXe siècle mettent fin à la prépondérance conservatrice, en particulier parce que les amis de Chamberlain font campagne en faveur d’un impopulaire protectionnisme.

Exclus du pouvoir jusqu’en 1915, rentrés timidement dans le cabinet de coalition nationale d’Asquith, les conservateurs prennent leur revanche à partir de la fin de 1916. Ils favorisent la venue de Lloyd George et collaborent avec lui pendant les six années suivantes. Grands vainqueurs des élections en 1918, ils ne se débarrassent du libéral gallois que lorsque la situation d’après-guerre est stabilisée. Entre 1919 et 1939, ils bénéficient du déclin des libéraux, du ralliement de certains de leurs anciens adversaires, dont Winston Churchill, de la valeur de leurs chefs, Bonar Law, Curzon, Baldwin, Austen et Neville Chamberlain, du pragmatisme de leur programme, enfin, dans une large mesure, de la peur du «rouge» et des difficultés des travaillistes à s’imposer. Le mouvement des suffrages (1910), puis l’extension du droit de vote aux femmes par les réformes de 1918 et 1928, semblent les avoir avantagés. L’entre-deux-guerres les voit participer au pouvoir ou l’exercer sans partage pendant dix-sept années sur vingt. Ralliés à l’Union nationale de 1931 pour lutter contre les effets de la crise mondiale, ils dominent cette union et la dirigent dès 1935.

La Seconde Guerre mondiale donne sa chance à Winston Churchill, longtemps voué au rôle de prophète des catastrophes extérieures et de défenseur aveugle de l’Empire. À la tête du cabinet d’Union nationale, il est le grand vainqueur de la guerre. Ses compatriotes, avides de grandes réformes économiques et de justice sociale, ne croient pourtant pas, en 1945, que les conservateurs soient les mieux désignés pour les satisfaire: les tories doivent laisser se développer pour quelque temps l’expérience socialiste et se contenter de dénoncer l’élan de décolonisation.

À partir de 1951, avec son réalisme coutumier, le parti, revenu au pouvoir, assume l’héritage socialiste, gère l’État-Providence et le développe, ne dénationalise que les aciéries et les tranports routiers, poursuit la décolonisation et la construction d’un nouveau Commonwealth. Exaltant toujours la qualité de ses dirigeants, liant justice, prospérité et liberté, jouant des divisions travaillistes, le parti conserve le pouvoir pendant treize années. Il le perdra en 1964, victime de la stagnation économique et des profondes inquiétudes des masses, en particulier des classes moyennes. Après la seconde expérience socialiste, Edward Heath reconquiert la majorité en 1970 et fait de son parti l’instrument de l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun.

Le Parti conservateur d’aujourd’hui, dont la direction a été démocratisée à partir de 1963, est un parti de militants et compte plus de deux millions et demi de membres. Il bénéficie de l’appui financier de grandes entreprises et de sympathies encore réelles de l’Église établie. Très puissant dans les campagnes et dans le Sud, il n’est pas un parti «régional» et détient de solides positions dans le monde urbain et parmi les ouvriers. Refusant la lutte de classe, il séduit les classes possédantes et rallie une grande partie des classes moyennes dans les périodes de stabilité économique. Hostile aux inégalités et aux distinctions raciales, malgré son aile «powelliste», il affirme une foi grandissante dans le retour au libéralisme économique.

Le 4 mars 1974, à la suite d’une longue grève des mineurs et de mesures économiques extrêmes imposées par le gouvernement conservateur d’Edward Heath, le leader travailliste Harold Wilson, qui vient de voir son parti triompher aux élections, forme un nouveau gouvernement. La situation économique n’est pas brillante puisque le gouvernement Heath, s’il a obtenu une expansion économique de 4 à 5 p. 100 pour 1972 et 1973 (il espérait 6 p. 100), a accepté que d’autres déséquilibres se produisissent: de décembre 1972 à décembre 1973, les prix croissent de 12 p. 100, les salaires de 12,3; la livre se déprécie de 17 à 20 p. 100 et le déficit de la balance extérieure atteint 1 milliard et demi de livres; surtout, il n’a pas prévu la montée en flèche du prix des matières premières et ne comptait pas que, le Trade Union Congress (T.U.C.) réclamant une politique d’expansion, les syndicats s’opposent aux mesures temporaires extrêmes prises en 1970 (réduction de la consommation de l’énergie, semaine de 3 jours en certains secteurs, etc.). C’est sous son gouvernement que la Grande-Bretagne entre dans la Communauté européenne le 1er janvier 1973. Margaret Thatcher lui succède à la tête du parti en 1975 et devient Premier ministre en 1979. Elle occupe ces deux fonctions jusqu’en 1990. Si elle a redonné à la Grande-Bretagne sa place sur la scène internationale (guerre des Falklands), le bilan économique et social de sa politique ultralibérale menée dans une conjoncture difficile est négatif. Son successeur John Major, qui a adopté une attitude moins intransigeante, a vu sa popularité chuter, malgré la perspective d’un réglement de la question de l’Irlande du Nord.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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